Instagram ou comment fabriquer la perfection…
Comme plusieurs, j’entretiens une relation d’amour-haine avec Instagram. J’ai pourtant beaucoup aimé l’aspect spontané de cette application mobile à ses débuts. J’adorais voyager à travers les clichés des globe-trotters, qui présentaient autant des paysages que des trouvailles. Depuis son achat par Facebook en 2012, je vais toutefois de déception en déception.
On trouve toujours de jolies photos de voyage sur le réseau, mais l’essence originale s’est complètement évaporée. Tout y est léché, formaté et mis en scène. L’instantanéité? Aussi rare qu’un portrait sans retouches avec Facie ou toute autre application permettant d’affiner le visage et de faire disparaître les rides. Les publications ne sont plus présentées de façon chronologique. Et je ne parle même pas des utilisateurs qui achètent des abonnés et des «likes» pour frimer devant de potentiels commanditaires. En Russie, on trouve même des machines distributrices de likes!
Pourquoi se livrer à de pareilles pratiques? Parce que la popularité sur Instagram peut rapporter gros. Ceux qu’on appelle des «influenceurs» empochent quelques centaines ou des milliers de dollars pour une simple photo présentant le produit d’une compagnie, selon leur popularité.
Quand Instagram «change le monde»
Environ 55 millions de photos sont publiées chaque jour sur Instagram. La publicité y est désormais omniprésente, tant dans des publications commanditées que dans le contenu.
L’application a transformé la façon de voyager. De nombreux utilisateurs avouent considérer le potentiel «instagrammable» d’une destination avant d’arrêter leur choix de vacances. «Les recherches menées par l’Université de Géorgie tendent à confirmer ce que les adeptes de Facebook, Instagram, Snapchat et Twitter savent déjà: la validation potentielle par ses amis et ses pairs sur les réseaux sociaux s’avère un facteur quasi aussi influent que les tarifs ou la météo lorsque vient le moment de décider de sa destination de vacances», a rapporté le journal Métro.
Plusieurs articles ont montré l’envers du décor des destinations populaires au cours des derniers mois. L’un des exemples les plus célèbres est celui de la «langue de troll», grande roche qui surplombe un fjord norvégien. Si les clichés publiés sur le réseau montrent chaque fois un personnage qui a l’air seul au monde, la réalité est toute autre. Les randonneurs font la queue pour se faire tirer le portrait dans ce décor de rêve!
De nouveaux services pour «glamouriser» ses clichés
Non, il n’y a pas que les égoportraits qui sont retouchés: de nombreux paysages le sont également. Le contexte n’est pas non plus toujours aussi glamour qu’il paraît, comme l’ont démontré le photographe brésilien Gilma Silva de même que la blogueuse hollandaise Imre Çeçen.
Le potentiel d’Instagram a rapidement été repéré par les acteurs les plus dégourdis de l’industrie touristique. Dès 2013, un hôtel australien proposait des séjours gratuits aux utilisateurs suivis par plus de 10 000 abonnés. Au 1888 Hotel de Sydney, des fresques numériques et des écrans affichent en continu les photos mentionnant le mot-clic officiel #1888hotel.
Il y a quelques semaines, on apprenait qu’une compagnie de jets privés met ses appareils à la disposition des Instagrammers russes pour 200 euros. Voilà qu’un hôtel pousse la note encore plus loin avec l’ajout d’un «majordome Instagram». Ce nouveau service est proposé par le Conrad Maldives Rangali Island Resort. Pendant votre séjour, vous pouvez ainsi être guidé vers les lieux les plus «Instagrammables» sur une «Instatrail».
Et maintenant?
Plus grand-chose ne surprend en 2017. Heureusement, entre un voyage autour du monde nu et le yoga nu, des tendances qui font sourire, comme les «peluches globe-trotters», façon «nain d’Amélie Poulin», continuent de pulluler.
Des coups de cœur récents? My Yellow Plate, un Indien qui fait découvrir les richesses culinaires de son pays en les présentant toujours dans la même assiette jaune, et Baba Lena alias Babuska_1927, une grand-maman de 89 ans originaire de la Sibérie en plein tour du monde.